Les jardins ouvriers doivent céder la place

Les animateurs de la discussion sur l'aménagement du territoire avaient promis au public, au début, un "débat pointu". Et Marc Angélil, professeur d'architecture et de design à l'ETH, a lui aussi décrit dans son bilan intermédiaire le dur front entre l'utopie de l'aménagement du territoire et la réalité de la construction. Il a comparé le "chantier suisse" à la construction d'une tour de Babel : l'aménagement du territoire suisse est plut?t un champ de bataille qu'un processus de conception, car les acteurs impliqués dans l'aménagement du territoire parlent tous des langues différentes.

Le débat sur l'aménagement du territoire de l'ETH n'a pourtant pas été aussi belliqueux qu'annoncé. Bien au contraire, les participants à la discussion étaient plut?t d'accord sur de nombreux points, par exemple sur le mitage du territoire, qui doit absolument être stoppé. Quant aux solutions, elles ont été unanimes : il faut avant tout densifier, c'est-à-dire cro?tre dans les zones d'habitation existantes et dans le cadre des infrastructures de transport existantes.

La fin des espaces "semi-urbanisés

Vittorio Magnago Lampugnani, professeur d'histoire de l'urbanisme à l'ETH Zurich, a soulevé la question dans le premier des trois exposés d'introduction : "Bien que la science ait développé des échelles et des méthodes de mesure de la densité dans l'espace de vie, l'évaluation de la qualité de vie dépend toujours en fin de compte, selon Lampugnani, des exigences des habitants. En effet, si un lotissement est construit à c?té de l'échangeur autoroutier en périphérie de la ville, l'un d'entre eux s'y sentira "bien desservi", tandis que son voisin "balayé par le trafic" sera presque noyé dans la densité.

"Semi-urbanisés", c'est ainsi que Lampugnani qualifie ces espaces dans la ville, où quelques derniers jardins ouvriers défient encore la densification entre des tours d'habitation. Mais leurs jours semblent comptés. "Nous devons fixer des priorités", a déclaré Adrienne Grêt-Regamey, professeure de planification du paysage et des systèmes urbains à l'ETH Zurich. Et pour imposer ces priorités sur le plan politique, c'est-à-dire "pour donner une large assise à la vision d'un développement durable du paysage", il faut une collaboration multidisciplinaire et supracommunale, selon Grêt-Regamey.

Des modèles réalisables plut?t que des visions futuristes

La pratique de l'aménagement du territoire a été représentée lors de la première table ronde par Wilhelm Natrup, chef de l'Office du développement territorial du canton de Zurich, et Daniel Müller-Jentsch d'Avenir Suisse. Müller-Jentsch a critiqué le fait que la science génère "trop d'innovation" sous forme de visions créatives de l'avenir, alors que les bureaux d'aménagement du territoire ont actuellement plut?t besoin d'analyses des meilleures pratiques de l'étranger et d'études correspondantes sur la possibilité de les transposer en Suisse. Le plus haut responsable zurichois de l'aménagement du territoire, Wilhelm Natrup, a pour sa part évoqué la frustration qui règne dans la branche, due au fait que les marges de man?uvre ne sont pas uniquement définies par la loi sur l'aménagement du territoire, mais dépendent également des intérêts des propriétaires fonciers ainsi que des ordonnances sur la protection des eaux ou des forêts. Kay Axhausen, professeur de planification des transports à l'ETH Zurich, résume ainsi : "L'aménagement du territoire pratique aujourd'hui surtout la conciliation bureaucratique des intérêts et doit absolument jouer un r?le plus actif à l'avenir".

B?le très différente du Valais

Le conseiller d'?tat valaisan Jean-Michel Cina et le conseiller d'?tat de B?le-Ville Hans-Peter Wessels ont ouvert la partie politique de la discussion sur l'aménagement du territoire de l'ETH. Ils ont présenté un exposé sur la pertinence de l'aménagement du territoire dans leurs cantons respectifs, qui ne se distinguent pas seulement par leur superficie : Alors qu'au printemps dernier, le Valais a été le seul canton à rejeter la révision de la loi sur l'aménagement du territoire, le projet a re?u à B?le-Ville la plus forte approbation de toute la Suisse. "Ce oui clair est d? au désintérêt de la population b?loise pour le thème de l'aménagement du territoire", a déclaré Hans-Peter Wessels non sans malice. Le canton de B?le-Ville remplit en effet - en raison de l'exigu?té de son territoire - depuis des décennies déjà les conditions de la loi révisée sur l'aménagement du territoire.

Le conseiller d'Etat Jean-Michel Cina n'a pas su répondre d'emblée à la question de savoir ce qui distingue le canton du Valais du reste de la Suisse - notamment des autres cantons de montagne qui ont adopté la nouvelle loi sur l'aménagement du territoire. Mais selon lui, il est important que l'aménagement du territoire soit laissé aux cantons, même avec la nouvelle loi sur l'aménagement du territoire : "Nous ne voulons pas que la Confédération suisse détermine notre aménagement du territoire, et pour qu'il en soit ainsi, nous devons maintenant faire notre travail correctement", a déclaré le Valaisan.