Des nanoparticules chaudes pour les thérapies anticancéreuses

Les nanoparticules ont un grand potentiel en médecine : pour le diagnostic, comme vecteur de substances actives ou comme outil pour tuer les cellules tumorales par la chaleur. Des chercheurs de l'ETH ont développé des particules faciles à fabriquer et utilisables de diverses manières.

Vue agrandie : schéma des nanoagrégats et image du microscope électronique.
Schéma des nanoagrégats de particules d'or et d'oxyde de fer avec enveloppe de silice. ? gauche : Image au microscope électronique d'un agrégat. (Illustration : Georgios Sotiriou / ETH Zurich.)

Si l'on ferme la main autour d'une lampe de poche, celle-ci semble briller en rouge. Cela s'explique par le fait que les rayons de lumière rouge à ondes longues traversent mieux les tissus humains que la lumière bleue à ondes courtes. Les chercheurs de l'ETH utilisent cette particularité pour un nouveau type de nanoparticules : Ces particules dites plasmoniques absorbent la lumière dans le domaine du proche infrarouge et se réchauffent. Elles pourraient ainsi par exemple tuer des tissus tumoraux par la chaleur.

Pour de telles nanoparticules utilisées à des fins thérapeutiques, l'or est un matériau très apprécié. Il est bien toléré et ne provoque généralement pas de réactions indésirables. Toutefois, dans sa forme sphérique typique des nanoparticules, l'or n'a pas les propriétés nécessaires pour fonctionner comme une particule plasmonique qui absorbe suffisamment de lumière dans l'infrarouge pour s'échauffer. Pour cela, il faut lui donner une forme spéciale, par exemple en b?tonnet ou en coquille. Les atomes d'or adoptent ainsi une configuration qui absorbe la lumière proche de la zone infrarouge et génère de la chaleur. La fabrication de tels nano-b?tons ou nano-coquilles en quantité suffisante est toutefois complexe et co?teuse.

Des agrégats plut?t que des b?tonnets

Une équipe de chercheurs dirigée par Sotiris Pratsinis, professeur de technologie des particules à l'Institut de génie des procédés, a trouvé une astuce pour produire des particules d'or plasmoniques en grande quantité. Ils ont utilisé leur savoir-faire existant en matière de particules plasmoniques (voir l'article d'ETH Life : Le nanoargent pour la thérapie et le diagnostic) et ont fabriqué des particules d'or sphériques possédant les propriétés plasmoniques proches de l'infrarouge souhaitées : pour cela, ils ont fait agréger les particules. Au préalable, chaque particule a été recouverte d'une couche de dioxyde de silicium, qui a servi d'espaceur entre les différentes sphères de l'agrégat. En déterminant avec précision la distance entre plusieurs particules d'or, les chercheurs placent les particules dans une configuration qui absorbe la lumière infrarouge et génère de la chaleur.

"L'enveloppe de silice présente un autre avantage", explique Georgios Sotiriou, premier auteur de l'étude, jusqu'à récemment postdoctorant chez Pratsinis et désormais chercheur à l'université de Harvard. "Elle empêche les particules de se déformer lorsqu'elles sont chauffées", ce qui est particulièrement problématique pour les nano-b?tonnets. Si les b?tonnets perdent leur forme lorsqu'ils sont chauffés à la lumière infrarouge, ils perdent les propriétés plasmoniques spécifiquement souhaitées et ne peuvent plus absorber suffisamment de lumière dans le domaine du proche infrarouge.

Les chercheurs ont déjà testé les nouvelles particules sur des cellules cancéreuses du sein dans une bo?te de Pétri et ont pu démontrer que les nanoparticules se réchauffaient suffisamment après irradiation à la lumière infrarouge pour tuer les cellules. En revanche, les cellules ont survécu dans des essais de contr?le : avec des particules, mais sans irradiation, ainsi qu'avec une irradiation, mais sans nanoparticules.

Combinaison à fort potentiel

Afin de pouvoir diriger les particules de manière ciblée vers les tissus cancéreux, les chercheurs ont en outre mélangé des particules d'oxyde de fer superparamagnétiques aux particules d'or. Ainsi, les nano-agrégats peuvent être dirigés par des champs magnétiques et pourraient être enrichis dans une tumeur. En outre, cela ouvre la possibilité de chauffer les agrégats par hyperthermie magnétique dans les couches tissulaires profondes, où la lumière infrarouge ne pénètre plus. La chaleur est produite par un champ magnétique dont les p?les positifs et négatifs alternent à un rythme rapide.

"De nombreuses questions doivent encore être résolues avant que les particules ne soient utilisées chez l'homme", explique Jean-Christophe Leroux, professeur de Drug Formulation and Delivery à l'Institut des sciences pharmaceutiques et également impliqué dans le travail de recherche. L'or, l'oxyde de silicium et l'oxyde de fer sont certes bien tolérés, mais il faut néanmoins étudier ce qu'il advient des agrégats de particules dans le corps au fil du temps, s'ils s'accumulent par exemple dans le foie ou s'ils se désintègrent et sont éliminés.

Les nanoparticules d'oxyde de fer et d'or peuvent non seulement tuer les cellules tumorales par la chaleur, mais elles pourraient aussi être utilisées comme agent de contraste pour les procédés d'imagerie dans le diagnostic par résonance magnétique, ce qui est à l'étude dans le cadre d'une collaboration avec l'H?pital universitaire de Zurich, ou encore servir de composant dans des véhicules de médicaments. "On pourrait coupler les particules avec des vecteurs de substances actives sensibles à la température, qui libèrent le médicament souhaité lorsqu'une certaine température est dépassée", explique Sotiriou. Les nanoparticules pourraient être dirigées par des champs magnétiques vers l'endroit souhaité dans le corps, par exemple vers un organe malade, et y libérer un médicament de manière ciblée. Cela permettrait de réduire, voire d'éviter, les effets secondaires indésirables sur le reste du corps.

Références bibliographiques

Sotiriou GA, Starsich F, Dasargyri A, Wurnig MC, Krumeich F, Boss A, Leroux JC, Pratsinis SE : Photothermal Killing of Cancer Cells by the Controlled Plasmonic Coupling of Silica-Coated Au/Fe2O3 Nanoaggregates. Adv. Funct. Mater, janvier 13, 2014, DOI : page externe10.1002/adfm.201303416

Sujets similaires

JavaScript a été désactivé sur votre navigateur.